Créateurs de tous les pays, unissez-vous !
Enter the web3 #4 : le grand soir des créateurs à portée de click
Bonjour à toutes et à tous ! On espère que tout le monde va bien malgré notre petit jour de retard 😶🌫️ Cette semaine, on explore les transformations du Web à travers le prisme du contenu. Tous les jours, on en absorbe des gigas entiers mais qui le crée ? Comment est-il distribué et financé ? Quelles interactions génère-t-il ? Y’a-t-il une différence entre regarder un meme et écouter un son de Taylor Swift ? Pour le découvrir, vous pouvez envoyer cette newsletter à vos amis et à votre entourage et lire l’article de la semaine. C’est parti 👇
Avant de commencer, petit retour sur l’actu du Web3 et une sélection de contenus qui nous ont plu.
Web3 what’s poppin ?
ETHDenver, la conférence majeure de l’écosystème ETH a eu lieu la semaine dernière. Si vous n’y étiez pas (nous non plus), voilà ce que vous pouvez en retenir (et ça)
Le gouvernement canadien (pourtant réputé gentil) a gelé les comptes bancaires des manifestants des convois de la liberté, tout en détente. Cela revient plus ou moins à priver les manifestants ciblés de leur liberté et de leur autonomie. Pourquoi cette décision est une rupture en démocratie et appelle à une réflexion sur la crypto résumé dans cet excellent thread 🧵
La blockchain Terra a levé $1B en Bitcoin (!) pour maintenir des réserves suffisantes et maintenir la convertibilité de ses stablecoin dont le Luna ($UST). Huge news !
La suggestion du chef
Poutine - Le retour de l'ours | ARTE : l’escalade des tensions en Ukraine a atteint un nouveau stade avec l’invasion russe cette nuit. Un excellent docu pour comprendre les motivations de l’ours russe.
Top Chef a repris la semaine dernière et SoFoot note chaque épisode, en toute subjectivité. C’est ici et on salue la plume.
Le sujet du jour
Je n’ai pas pu m’empêcher d’aller jeter un coup d'œil quand le rappeur Freeze Corleone a dévoilé la collection de NFT qui décore sa trap house virtuelle (comprendre son repaire), alimentant encore la hype autour des fameux NFT. Malgré le côté un peu oppressant des Bored Ape affichés au mur ou du Doberman qui vous toise depuis le salon, la collection a de quoi impressionner. “Freeze” est un rappeur mystérieux dont l’univers manipule les symboles underground, des thèses complotistes (”killu à vie”) aux cryptomonnaies. Sans autre commentaire, le rappeur a volontairement maintenu le flou sur l’intérêt de posséder ses NFTs hors de prix dans une maison 3D. Si vous n’arriviez plus à dormir en vous demandant à quoi tout ça pouvait bien servir depuis que les rappeurs en suspendent aux murs et que toutes les marques de luxe créent des NFT toutes les semaines, l’article d’aujourd’hui est fait pour vous. C’est l’heure de comprendre pourquoi le Web3 peut être un formidable outil de liberté pour les créateurs et les communautés de demain.
Une brève histoire du contenu sur Internet
Puisque vous êtes fidèle lecteur d’ETW3, vous aurez en tête la jeune histoire du Web jusqu’à nos jours. En gros :
Web1 = read
Web2 = read, create
Web3 = read, create, own
Read. Dès sa naissance, le Web s’est construit autour du concept de contenu. En 1996, dans son article “Content is king”, Bill Gates prophétisait qu’Internet permettrait à chacun de créer et de diffuser son contenu juste avec un PC, augurant donc avec quelques années d’avance l’économie des créateurs. Il avertissait cependant que les créateurs devraient être payés pour leur production sans quoi Internet ne pourrait se développer. Quasiment 30 ans (ouch) après, le constat est criant : Bill avait raison. 90 % des royalties issus du streaming sur Spotify reviennent aux 1,4 % de musiciens les plus importants et le top 1 % de tous les streamers gagne plus de 50% des revenus sur Twitch et l’écrasante majorité des créateurs ne vit pas de son activité.
Comment expliquer cet état de fait ? Internet étant un océan d’abondance de contenu, le Web s’est construit autour de plateformes capables d’en structurer l’accès. Ces plateformes ont été théorisées comme des agrégateurs par Ben Thompson, profitant d’effets de réseau qui deviennent l’accès principal au contenu (Google pour la recherche, Meta pour le social, Spotify pour la musique etc). Puisque tout peut être accessible sur Internet et qu’il est gratuit de créer un nouvel exemplaire d’un fichier (Ctrl+C, Ctrl+V), les intermédiaires qui maîtrisaient auparavant les circuits de distribution physique ont perdu leur valeur ajoutée. En revanche, tous les contenus auparavant introuvables peuvent désormais être connectés avec l’audience en demande. La valeur s’est donc déplacée aux extrémités de la chaîne de valeur :
La création : les créateurs sans qui le contenu n’existerait pas ¯\(ツ)/¯
La distribution : les agrégateurs qui donnent accès à ce contenu
Cela a donné la “Smiling curve” qui définit la structure du Web2 :
Source : Ben Thompson
C’est ainsi qu’a émergé la passion economy c’est-à-dire la possibilité pour chacun de créer du contenu facilement, de le distribuer, construire une audience et en tirer un revenu. Des outils permettant de se différencier ont émergé, favorisant les interactions entre les créateurs et leurs communautés, diversifiant les sources de revenus (publicité, vente en direct, mécénat). Chacun peut devenir créateur dès lors qu’il amasse une audience : un youtubeur l’est tout autant qu’un meme lord sur Instagram ou qu’un influenceur qui anime son audience quotidiennement. Les plateformes essaient de plus bichonner leurs créateurs à l’origine de l’attention qu’elles récoltent. Ainsi, Tiktok a récemment levé un Creator Fund dédiés aux créateurs présents sur la plateforme de $1B afin d’aider ses créateurs populaires (voir l’excellent article d’Ariel Renous sur les nouveaux outils à disposition des créateurs).
Malgré cela, seulement 35 % des créateurs estiment qu'ils gagnent un revenu suffisant par rapport au travail qu’ils fournissent. En fait, les créateurs doivent atteindre une audience critique énorme avant de pouvoir vivre de leur contenu. D’après The New Creator Manifesto, un créateur peut espérer gagner $1000/mois avec :
100k followers sur Instagram avec du sponsoring
2M de vues sur Youtube et 25M de vues sur Tiktok via la pub
Au fond, les problèmes du Web2 finissent par revenir naturellement :
Les créateurs sont tributaires d’une plateforme libre de leur imposer sa politique, ses conditions de diffusion et de prélever les fees qu’elle veut unilatéralement (Cf les dernières revendications des créateurs sur Tiktok malgré la mise en place du Creator Fund)
Les agrégateurs favorisent du contenu qui fait du buzz (d’où les têtes cheloues des youtubeurs sur leurs miniatures) pour vous garder plus longtemps sur la plateforme. C’est l’économie de l’attention.
Inégalité de la répartition du revenu entre les créateurs : les plateforme mettent en avant les créateurs populaires par rapport aux autres car ils génèrent plus d’attention et gardent l’audience sur la plateforme. De la même manière, ils sont favorisés par la distribution des revenus de la plateforme et les creator funds supportent plutôt ces talents au succès établi.
Ces conditions sont propices à l’apparition de nouveaux acteurs porteurs d’une alternative :
Un support technologique novateur (la blockchain)
Un public mature (les créateurs)
Il faut rendre à César ce qui appartient à César
La bataille ne fait que commencer entre le modèle du Web2, qui tente de se réinventer, et le Web3 qui inscrit directement dans son architecture les revendications des créateurs face aux plateformes. Quelles sont les armes pour rendre le pouvoir aux créateurs et à leur public ?
Les NFTs (Non-Fungible Tokens) : les jetons non fongibles garantissent l’unicité de ce qu’ils représentent. Chaque token est unique (=non-fongible). Noémie Kempf a très bien vulgarisé le concept dans sa dernière newsletter, right here.
Les Social tokens : émis par des créateurs individuels ou des communautés, ils permettent aux membres de la communauté de collaborer avec la communauté et de posséder collectivement du contenu. On peut les gagner en tant que récompense pour l’implication dans une communauté ou en possédant des NFTS. Eux sont fongibles c’est-à-dire qu’ils ont la même valeur et peuvent être échangés.
Dans les deux cas, on possède une attestation on-chain pouvant représenter une œuvre, un droit de gouvernance ... C’est la diversité des éléments que ces tokens - fongibles et non-fongibles - peuvent représenter qui en fait le support phare pour passer l’économie de l’attention à l’économie de la propriété. Le Web3 doit permettre aux créateurs et aux utilisateurs de devenir propriétaires de ce qui compte pour eux. Vous suivez toujours ? On va comprendre comment ça se passe !
Comment imaginer le futur de la création en ligne ? Le Web3 ouvre la voie à 4 aspects, décrits par Li Jin dans son récent article The Web3 Renaissance: A Golden Age for Content :
L’apparition de la rareté dans le monde virtuel
Une version 2.0 du mécénat : de l’altruisme à l’investissement
Des revenus équitablement partagés
L’animation des communautés grâce à la propriété collective
1. L’apparition de la rareté dans le monde virtuel
Sur Internet, le contenu est duplicable à l’infini (Ctrl+C, Ctrl+V) et tout ce qu’on consomme y est traité de manière identique par les plateformes : toutes les vidéos, les photos, les articles qu’on lit sur les réseaux sociaux se valent. Tout contenu peut donc être reproduit (Ctrl+C, Ctrl+V), recopié ou distribué sans crédit pour le créateur original. En fait c’est du vol !
Puisqu’un NFT définit on-chain la provenance et les caractéristiques de n’importe quel contenu, il crée de la rareté : le contenu n’est plus infiniment duplicable. Ainsi, un artiste pourra être directement soutenu, sans intermédiaire, par un fan prêt à acheter le NFT associé à une de ses créations. Une poignée de fans prêts à s’investir financièrement pourraient soutenir les créateurs et leur permettre d’en vivre avant d’atteindre des millions de fans. Plusieurs artistes refusent que leurs créations soient utilisées comme une commodité dont ils ne possèdent pas les droits. Par exemple, Taylor Swift a retiré son catalogue des plateformes et en a réenregistré l’intégralité pour en récupérer les droits. Le retrait a généré un pic de vente de ses albums, preuve que les fans sont prêts à soutenir un artiste qu’ils aiment particulièrement. Le contenu tokenisé ne serait forcément exclusif : le média sous-jacent reste accessible publiquement mais le fichier original aurait un créateur et un propriétaire définis on-chain.
2. Une version 2.0 du mécénat : de l’altruisme à l’investissement
Non seulement un token est une rétribution d’un créateur pour son œuvre mais dans le Web3, il peut devenir un investissement pour les fans. Puisque les fans deviennent “actionnaires” de l’œuvre du créateur, ils ont tout intérêt à ce qu’il gagne en popularité car cela aboutirait à une appréciation du token. Acheter un token c’est soutenir un artiste mais aussi faire un pari sur sa future popularité. Un créateur peut donc compter sur une communauté engagée, incitée à l'aider à réussir pour décoller. Ça vous a décidé ? Vous pouvez dès aujourd’hui en acheter sur Catalog ou Sound.
A des NFT d’un créateur peuvent être associés des propriétés comme l’accès à des évènements exclusifs ou des social tokens donnant accès une communauté. Par exemple, le chanteur RAC a créé un token donnant accès à une communauté Discord de ses fans et a rétroactivement distribué des tokens à ceux et celles qui avaient acheté ses morceaux sur Bandcamp, soutenu via Patreon ou acheté son merch. Si vous êtes créateurs vous pouvez déjà créer un token pour être soutenu par votre communauté via des outils comme Rally.
Les NFT pourraient donc renverser la manière dont le contenu est créé, distribué et soutenu notamment pour les créateurs sans audience massive. Et puisque c’est payé en crypto, l’argent versé par les fans pourrait même être automatiquement réinvesti dans les productions créatives de l’artiste (d’après le code). C’est ce que propose déjà la plateforme décentralisée Mirror qui permet aux écrivains d'émettre à la fois des NFT et des jetons sociaux pour crowdfunder leur article. Par exemple, Linda Xie a financé son article “A beginner’s guide to NFTs” auprès de 43 mécènes pour un total de 2.2 ETH, qui possèdent désormais un token associé à l’article !
3. Des revenus équitablement partagés
Le contenu en ligne est souvent le fruit d’un travail collectif entre plusieurs personnes comme des vidéos co-écrites par plusieurs auteurs ou la reprise d’un concept viral. En inscrivant au préalable tous les créateurs dans le code d’un NFT, chaque utilisation ou achat du NFT pourrait donner lieu à une rétribution partagée équitablement. Prenons l’exemple d’un meme : sur un réseau social, on a uniquement pour info l’image et la data associée (nombre de vues, likes, commentaires etc). Si cette image est dupliquée, tout est perdu y compris son origine, son contexte, ce qu’elle raconte. Avec l’info on-chain, on pourrait avoir accès à son historique et aux infos la concernant pour retracer le parcours d’un objet digital et répartir les revenus en conséquence.
A suivre
Et le quatrième point ? A suivre la semaine prochaine :) Ce sera la fin de cette analyse sur les nouvelles formes de création et de consommation de contenu. Spoiler : les communautés joueront un rôle de plus en important et pourraient devenir elles-mêmes vecteurs de création ! Toutes nos interactions en ligne pourrait s’en retrouver changées. A jeudi !
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